Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1969

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Louis Conard (Volume 9p. 9-10).

1969. À SA NIÈCE CAROLINE.
Jeudi, 4 heures [18 mars 1880].

Je viens d’inviter mes collègues à venir ici, soit le samedi, le dimanche ou le lundi de Pasques. Et à la fin de cette semaine de Pâques, c’est-à-dire dans une quinzaine, j’espère bien avoir la visite plus longue et autrement douce de ma pauvre fille. Tant pis pour les quelques jours d’atelier que tu perdras !

Ton mari ne peut guère revenir avant la fin d’avril (comme je le plains, de voir sans cesse retarder son départ ! Ils sont à étrangler, ces bonshommes !). Tu iras le retrouver, puis tu m’attendras à Paris et nous y resterons ensemble quelques jours, tous les deux, n’est-ce pas, chérie ?

Quant aux arrangements de meubles, tout est convenu. Mais il me semble que l’antichambre va être bien dégarnie. Où s’asseoir ? Le banc de chêne m’était commode.

Il me tarde de savoir l’effet produit par tes œuvres sur les personnes qui à l’heure présente sont dans ton atelier. As-tu invité Popelin ?

Je suis content de ce que tu me dis de la Princesse. On s’y attache, plus on la connaît. Sans doute que tu ne lui as pas dit le revirement des affaires. Il me semble que je dois lui annoncer cette bonne nouvelle. Merci des détails que tu me donnes. J’aime à tout savoir.

J’ai commandé aujourd’hui un fût de 50 bouteilles chez Vinet. Raymond remet les pavés dans la salle de bains et AUX LIEUX !!!

Ce matin, j’ai envoyé ce qui s’appelle faire f… un juif allemand qui me proposait de la toile de Hollande à très bon marché. Tu n’imagines pas sa tête de coquin. Il servait d’interprète à une dame ! et la marchandise était sur le quai, dans une brouette ! Tableau.

Bouvard et Pécuchet n’avancent pas vite ! mais le peu qu’il y a de fait est roide. J’ai passé trois jours cette semaine dans la botanique, sans le secours de personne, ce qui n’était pas facile.

Écris-moi toujours de bonnes lettres comme les dernières, c’est-à-dire longues.

Nounou t’embrasse bien fort.