Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 159

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Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 351-352).

159.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

À Paris, ce 10 septembre 1779.

Nous avons reçu, mon cher et illustre ami, la pièce dont vous me parlez sur les comètes ; je n’ai pu encore que la parcourir, mais, quel qu’en soit l’auteur, je crois pouvoir d’avance vous assurer qu’il n’aura pas perdu sa peine.

Je suis charmé que vous ayez lu avec quelque plaisir l’Éloge de Milord Maréchal. La famille et les partisans du plat roi Jacques II n’en ont pas été aussi contents[1] ; j’en suis fâché, mais je m’y attendais, et il faut au moins être juste quand les rois sont morts. Quant au marquis d’Argens, j’ai suivi les Mémoires très-fidèles que j’avais à son sujet, et je n’ai même pas dit tout ce que ces Mémoires contenaient. Je crois bien qu’il n’était guère mon ami, quoiqu’il en fît le semblant ; mais c’est un sacrifice que je fais sans peine.

Je ne sais pas encore quand je donnerai mon second Volume d’Éloges, quoiqu’il soit tout fait. En le relisant, j’y trouve beaucoup de choses à changer, à retrancher, à ajouter, et, comme je ne travaille plus que très à mon aise, je ne sais pas quand cette rapsodie sera en état de se montrer un peu décemment.

J’ai enfin pris le parti d’imprimer mon septième Volume d’Opuscules mathématiques ; mais je n’en dis rien, même ici, parce que je ne veux pas annoncer ce qui me paraît bien peu de chose ; j’ai même prié un ami de revoir les épreuves, parce que ce travail me fatigue. J’y mettrai deux mots d’avertissement pour demander aux géomètres leur indulgence. Je compte que cela pourra paraître dans quatre ou cinq mois, car les imprimeurs ne vont pas vite, et je crains, en vérité, qu’ils n’aillent pas encore assez lentement pour mon honneur.

Je recevrai avec grand plaisir votre Volume de 1777 et les Volumes nouveaux de Göttingue, qui vraisemblablement ne seront pas plus forts que les précédents.

Vous ne devez point douter du plaisir que j’aurais à vous voir ici, et le marquis Caraccioli me charge de vous dire que vous trouverez chez lui le vivre et le couvert. Mais comme je sens par moi-même tout l’embarras de se déplacer, je n’ose vous presser à ce sujet ; absent ou présent, soyez sûr, mon cher et illustre ami, de la tendresse et de la vivacité de mes sentiments pour vous ils dureront aussi longtemps que ma vie. Je vous embrasse aussi tendrement que je vous aime.

À Monsieur de la Grange,
des Académies royales des Sciences de France et de Prusse, à Berlin
.
(En note : Répondu le 11 décembre 1779.)

  1. Voir, entre autres, ce que d’Alembert en dit aux pages 686 et 687.