Correspondance de Voltaire/1725/Lettre 140

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Correspondance de Voltaire/1725
Correspondance : année 1725GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 137-138).
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140. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES[1].

1725.

La première chose que j’ai faite, madame, en arrivant à Paris, a été d’aller trouver le seigneur du lieu[2] où j’ai passé des jours si aimables. Je lui ai fait, selon que portaient mes instructions, le détail des embellissements que vous faites à votre terre, et lui ai exagéré le bonheur d’avoir une femme comme vous. Mais quelque chose que je lui aie dite de sa femme et de sa maison, je ne crois pas qu’il vienne si tôt les voir. Il me paraît fort occupé des affaires et des plaisirs qu’il a dans ce pays-ci. Je l’ai trouvé beau, brillant, et paré comme un jeune petit-maître à bonnes fortunes […][3]

Voilà tout ce que je sais de vos affaires. Pour les miennes, elles sont un peu plus mauvaises. J’ai perdu sans ressource mes deux mille livres de rente viagère pour avoir trop tardé à en payer le fonds. Les affaires de ma famille commencent à tourner mal. M. de Nicolaï n’a pas voulu me faire accorder de provision. Ainsi j’ai plus besoin que jamais de la philosophie, dont je veux faire profession. Je vais regarder la fortune comme un avantage qui n’est nécessaire qu’aux gens remplis de désirs. Les richesses sont des emplâtres pour les blessures que nous font nos passions. Mais un philosophe est un homme bien sain, qui n’a pas besoin d’emplâtres. Je me mets donc dans la tête d’être heureux dans la pauvreté. […]

  1. Éditeurs, Baveux et François.
  2. M. de Bernières.
  3. La fin et le milieu de cette lettre manquent. (Note de M. de Cayrol)