Correspondance de Voltaire/1731/Lettre 230

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Correspondance de Voltaire/1731
Correspondance : année 1731GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 237-238).
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230. — À M. DE FORMONT[1].
Paris, 21 novembre 1731.

Il y a quelques jours que je suis à Paris, mon cher monsieur. Je fis partir hier par le coche de Rouen un paquet contenant quatre exemplaires de l’Histoire de Charles XII : un pour vous, un pour M. de Cideville, un pour monsieur le premier président, et un pour son secrétaire. Voilà les premiers volumes qui voient le jour. Il est bien juste que vous ayez les premiers, et jamais assurément on n’en a présenté de meilleur cœur. On m’a parlé d’une lettre charmante que vous avez écrite à Mlle de Launay[2]. Vous en êtes bien capable ; mais M. Thieriot prétend que vous allez faire quelque chose de bien mieux, que vous viendrez bientôt à Paris. Venez-y donc, aimable philosophe, et retournons à Rouen ensemble.

Vous verrez Êriphyle bien changée. M. de Cideville m’a déjà mandé que vous aviez approuvé les premiers changements que j’y avais faits : cela m’a bien encouragé. Vous m’avez rendu plus attentif et plus sévère, à mesure que vous avez goûté mes corrections. Malheur à tout ouvrage

Quod non multa litura coercuit !

J’ai bien envie de vous montrer le tout comme il est à présent.

J’ai aussi à vous consulter sur la manière dont je dois finir mon Essai sur le Poëme épique, et mes Lettres sur les Anglais. Je n’ai jamais eu tant de besoin de vous, et, indépendamment de cela, je voudrais passer ma vie dans les douceurs de votre commerce. Depuis que je vous ai vu, vous m’êtes devenu nécessaire.

Si vous venez à Paris bientôt, vous verrez jouer un Chevalier Bayard, d’Autreau, une Èrigone, de La Grange, et enfin Èriphyle, qui passera la dernière.

Vous savez peut-être que Fuzelier[3] est en prison pour avoir fait une épigramme contre Boindin, Mallet et autres, dans laquelle le nom du père Girard[4] se trouve malheureusement. M. Gaufredi, avocat général au parlement d’Aix, en a été quitte à meilleur marché pour avoir donné des conclusions à mort contre ce même jésuite : il n’a perdu que sa pension.

Adieu ! voilà trop de nouvelles pour un philosophe comme vous et un paresseux comme moi.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. C’est la célèbre Mme de Staal de Launay.
  3. Auteur dramatique.
  4. Jésuite accusé de séduction et de magie par Catherine Cadière.