Correspondance de Voltaire/1733/Lettre 338

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Correspondance de Voltaire/1733
Correspondance : année 1733GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 346-347).
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338. — Á M. DE MAIRAN[1].
Ce mardi… mai 1733.

Le goût extrême que vous avez pour la vérité, monsieur, est bien sensible à un homme qui l’aime autant que moi. Je vous remercie de tout mon cœur des peines que vous voulez bien prendre pour me la faire trouver. Je me flatte que vous voudrez bien quelque jour m’aider à la chercher, lorsque je me serai rendu à ma chère physique, que j’abandonne lâchement pour la poésie.

Je suis assez embarrassé entre Perrault et Levau[2]. J’ai consulté Mariette, qui est aussi indécis que moi, malgré l’inscription de son estampe. Je prendrai le parti de ne point décider[3]. MM. Perrault et Levau ne sont pas les seuls qui se disputent de belles inventions : les Leibnitz et les Newton, les Leuwenhoeck et les Hartsoeker, les Roberval et les Torricelli, et tant d’autres, ont eu des procès qu’on a été bien longtemps à juger. Il me semble qu’il n’y a guère de gloire qu’on ne se dispute ; et moi, je dispute à tous ceux qui ont le bonheur de vous connaître le plaisir et la justice de vous aimer et de vous estimer davantage.

C’est avec ces sentiments que je compte être toute ma vie, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Premier architecte de Louis XIV. Les ennemis de Perrault lui attribuèrent les dessins du Louvre. (A. F.)
  3. Voltaire en effet ne se prononça pas pour l’un des deux dans son Temple du Goût.