Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1022
Ce scélérat d’abbé Desfonlaines a donc enfin obtenu ce qu’il désirait ! Il m’a ôté votre amitié. Voilà la seule chose que je lui reproche. Je ne m’attendais pas que depuis le 14 décembre que son libelle a paru, je ne recevrais qu’une lettre de vous[2]. Si vous m’aviez écrit avec amitié, et tout uniment comme à l’ordinaire, je n’aurais point eu à me plaindre. Personne ne vous a jamais demandé de lettre ostensible[3] ; mais, moi, je demandais à votre cœur des marques de votre amitié, et j’ai eu la mortification de n’en recevoir aucune, pendant que les plus indifférents m’écrivaient les choses les plus fortes et les plus touchantes, et m’offraient les plus grands services. Mme et M. du Châtelet, Mme de Champbonin, tout ce qui est ici, effrayés de votre silence, ne savent à quoi l’attribuer. Pour moi, qui ne pense pas seulement à Desfontaines, et qui ne pensais qu’à l’amitié, je ne me crois outragé que par l’inquiétude où vous me laissez.