Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1102

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 206-207).

1102. — À M. L’ABBÉ D’OLIVET.
Cirey, nonis martis.

Elegans et sapiens Olivete, Tullius ille laudum amator nunc, opinor, gloriatur quod ingenio tuo clarior et diligentia tua accuratior prodeat. Tullia nostra, Émilia du Châtelet, in omni genere artium instructa et vera operum tuorum æstimatrix, novo operi[1] tuo gratulatur, et commentarios tuos enixe desiderat. Sed tibi fateor, notæ ad textum in ipsis paginis accommodatæ non illi displicerent. Arduum est et operosum notas ad finem libri rejectas quærere. Ut ut, vir doctissime, incumbe labori tuo, et Ciceronem Olivetanum cum voluptate legemus. Haec tibi scribunt Émilia et Volterius.

Le scazon[2] ne m’avait paru que plaisant et digne du personnage. Cerbère est sans doute le nom de baptême de ce misérable. C’est une âme infernale.

Un jour Satan, pour égayer sa bile.
Voulut créer un homme à sa façon ;
Il le forma des membres de Chausson,
Et le pétrit de l’âme de Zoïle.
L’homme fut fait, et Guyot[3] fut son nom.
À ses parents en tout il est semblable.
Son fessier large, à Bicêtre étrillé,
Devers Saint-Jean doit être en bref grillé.
Mais ce qui plus lui semble insupportable,
C’est que Paris de bon cœur donne au diable
Chacun écrit par Guyot barbouillé.

On me fait espérer qu’on arrachera quelque satisfaction de ce monstre, ennemi du genre humain. J’avais de quoi le perdre, mais il eût fallu venir à Paris, et quitter mes amis pour un coquin. Mon cœur en est incapable ; l’amitié m’est plus chère que la vengeance. Est-ce que vous n’avez point reçu mon nouveau morceau sur Rome ? Est-ce que vous ne l’avez point communiqué à l’abbé Dubos, après l’avoir reçu de Thieriot ? Enfin n’avez-vous pas envoyé à M. d’Argental le petit Essai[4] ?

J’ai de bonnes raisons pour, penser que Silhon a fait le Testament du cardinal. L’abbé de Bourzeis n’y a pas plus de part que vous. Comment ! cet abbé de Bourzeis écrivait comme Pellisson ! Son Traité des Droits de la Reine est un chef-d’œuvre ; son style d’ailleurs est moins antique que celui du cardinal. Les aucunement, d’autant que, si est-ce, etc., ne se trouvent point chez Bourzeis. Enfin, j’attends mon Silhon pour confronter.

J’ai idée qu’on a écrit quelque chose pour prouver que le cardinal de Richelieu n’a pas fait son Testament. Faites-moi la grâce, mon aimable maître, de donner sur cela quelques instructions tuo addictissimo discipulo et amico Voltaire.

  1. D’Olivet venait de publier (mars 1739) la préface latine de son édition des œuvres de Cicéron, dont les 9 volumes in-4o parurent, à Paris, de 1740 à 1742, avec un choix de commentaires anciens et des notes de lui.
  2. Ce poëme, en dix vers scazons, fut imprimé à la suite de la Lettre de l’abbé d’Olivet au président Bouhier, du juillet 1738. Retranché de la seconde édition de cette lettre, il a été conservé dans la réimpression qui fait partie du Recueil d’opuscules littéraires, Amsterdam, 1767, in-12.
  3. Nom de famille de Desfontaines.
  4. L’Essai sur le Siècle de Louis XIV.