Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1123

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 232-233).

1123. — À M. HELVETIUS.
Ce 2 avril.

Mon cher confrère en Apollon, mon maître en tout le reste, quand viendrez-vous voir la nymphe de Cirey et votre tendre ami ? Ne manquez pas, je vous prie, d’apporter votre dernière Épître[1]. Mme  du Châtelet dit que c’est moi qui l’ai perdue ; moi, je dis que c’est elle. Nous cherchons depuis huit jours. Il faut que Bernouilli l’ait emportée pour en faire une équation. Je suis désespéré, mais vous en avez sans doute une copie. Je suis très-sûr de ne l’avoir confiée à personne. Nous la retrouverons, mais consolez-nous. Ce grand garçon d’Arnaud veut vous suivre dans vos royaumes de Champagne ; il veut venir à Cirey. J’en ai demandé la permission à madame la marquise : elle le veut bien ; présenté par vous, il ne peut être que bienvenu.

Je serai charmé qu’il s’attache à vous. Je suis le plus trompé du monde, s’il n’est né avec du génie et des mœurs aimahles. Vous êtes un enfant bien charmant de cultiver les lettres à votre âge avec tant d’ardeur, et d’encourager encore les autres. On ne peut trop vous aimer. Amenez donc ce grand garçon. Mme  du Châtelet et Mme  de Champbonin[2] vous font mille compliments.

Adieu, jusqu’au plaisir de vous embrasser.

  1. C’était sans doute une nouvelle leçon de lÉpître sur l’amour de l’étude.
  2. Cette dame, depuis le commencement de février jusqu’à la fin d’avril 1739, fit au moins deux voyages de Cirey à Paris, pour des affaires personnelles, et sans doute aussi pour des démarches relatives à Voltaire. C’est ce qui explique pourquoi celui-ci parle d’elle tantôt comme présente, tantôt comme absente, dans ses lettres de cette époque. (Cl.)