Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1131

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 243).

1131. — MADAME LA MARQUISE DU CHATELET
À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
10 avril 1739.

Mon cher ami, enfin M. d’Argenson nous rend la vie par sa lettre d’aujourd’hui, car il nous dispense de rien signer. Le tout est que M. Hérault ne s’en fâche pas. Voici la lettre de votre ami pour lui. M. de Meinières, pour qui je vous envoie aussi un mot, voudra bien la donner. Mandez-nous comment nous devons nous conduire pour tirer quelque avantage de ce désaveu[1] signé dans les mains de M. Hérault, et pour ne le point fâcher. Je crains que les expédients que propose M. d’Argenson ne soient dangereux. Nous ne voulons rien faire sans avoir votre avis. Votre ami retravaille son Mémoire ; il en veut faire une dissertation contre les libelles, et y mêler son apologie sans nommer seulement l’abbé Desfontaines. Je ne l’ai pas encore vu, mais il vous le soumettra : il ne veut pas faire un pas sans que vous ne le dirigiez. Si vous n’êtes pas content de sa lettre à M. Hérault, vous nous la renverrez ; mais je crois que vous la trouverez assez adroite. Il écrira des lanturelus polis à d’Éon par la première poste. Enfin, mon cher ami, il s’agit de ne rien signer pour l’abbé Desfontaines, de ne point fâcher M. Hérault, de tirer, si l’on peut, quelque avantage du désaveu de l’abbé, signé entre les mains de M. Hérault, et de faire paraître une apologie. Aidez-nous à faire tout cela prudemment et utilement. Nous attendons vos ordres. Donnez-nous-les aussi pour Zulime car je crois qu’un grand succès serait bien appliqué, et il ne doit pas tenir à grand’cbose, et il le faut promptement.

Adieu, mon cher ami, je vous aime comme vous méritez de l’être, c’est-à-dire avec une tendresse extrême.

Votre ami baise vos ailes, et Mme de Champbonin vous fait mille compliments.

P. S. Il renaît des velléités de procès. Au nom de Dieu, prévenez-les. Pas seulement une requête au lieutenant criminel. Si vous le défendez, il ne le fera pas.

  1. Nous l’avons donné plus haut, sous le n° 1128.