Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1174

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 296-297).

1174. — À M. BERGER.
À Bruxelles.

Je reçois vos lettres du 25 ; vous ne pouvez ajouter, monsieur, au plaisir que me font vos lettres, qu’en détruisant le bruit qui se répand que j’ai envoyé mon Siècle de Louis XIV à Prault. Je sais qu’on n’en a que des copies très-infidèles, et je serais fâché que les copies ou l’original fussent imprimés.

Je n’aurai jamais d’aussi brillantes nouvelles à vous apprendre que celles que vous nous envoyez ; c’est ici le pays de l’uniformité. Bruxelles est si peu bruyant que la plus grande nouvelle d’aujourd’hui est une très-petite fête que je donne à Mme du Châtelet, à Mme la princesse de Chimai, et à M. le duc d’Aremberg. Rousseau, je crois, n’en sera pas. C’est sûrement la première fête qu’un poète ait donnée à ses dépens, et où il n’y ait point de poésie. J’avais promis une devise fort galante pour le feu d’artifice, mais j’ai fait faire de grandes lettres bien lumineuses qui disent : Je suis du jeu, va tout ; cela ne corrigera pas nos dames, qui aiment un peu trop le brelan ; je n’ai pourtant fait cela que pour les corriger.

Si vous voyez M. Bouchardon, qui élève des monuments[1] un peu plus durables pour sa gloire et pour celle de sa nation, je vous prie de lui faire mes sincères compliments ; vous savez que les Phidias me sont aussi chers que les Homères.

Continuez, mon cher ami, à m’écrire de très-longues lettres qui me dédommagent de tout ce que je ne vois pas à Paris. Mille compliments à M. de Crébillon[2], à M. de La Bruère. N’oubliez pas de dire à l’abbé Dubos combien je l’estime et je l’aime. Adieu.

  1. La fontaine de la rue de Grenelle.
  2. Crébillon fils.