Correspondance de Voltaire/1740/Lettre 1346

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1740
Correspondance : année 1740GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 511).

1346. — À M. DE MAUPERTUIS.
À la Haye, ce 18 de septembre.

Je vous sers, monsieur, plus tôt que je ne vous l’avais promis ; et voilà comme vous méritez qu’on vous serve. Je vous envoie la réponse de M. Smith[1] ; vous verrez de quoi il est question.

Quand nous partîmes tous deux de Clèves, et que vous prîtes à droite, et moi à gauche, je crus être au jugement dernier, où le bon Dieu sépare ses élus des damnés. Divus Federicus vous dit : Asseyez-vous à ma droite, dans le paradis de Berlin ; et à moi : Allez, maudit, en Hollande.

Je suis donc dans cet enfer flegmatique, loin du feu divin qui anime les Frédéric, les Maupertuis, les Algarotti. Pour Dieu, faites-moi la charité de quelques étincelles dans les eaux croupissantes où je suis morfondu ! Instruisez-moi de vos plaisirs, de vos desseins. Vous verrez sans doute M. de Valori ; présentez-lui, je vous en supplie, mes respects. Si je ne lui écris point, c’est que je n’ai nulle nouvelle à lui mander : je serais aussi exact que je lui suis dévoué, si mon commerce pouvait lui être utile ou agréable.

Voulez-vous que je vous envoie quelques livres ? Si je suis encore en Hollande, à la réception de vos ordres, je vous obéirai sur-le-champ. Je vous prie de ne me pas oublier auprès de M. de Keyserlingk.

Mandez-moi, je vous prie, si l’énorme monade de Wolffius argumente à Marbourg, à Berlin, ou à Halle,

Adieu, monsieur ; vous pouvez m’adresser vos ordres à la Haye. Ils me seront rendus partout où je serai, et je serai par toute terre à vous pour jamais.

  1. Physicien anglais cité dans la lettre du 30 juin 1739 à Thieriot, et dans celle du 10 août 1741, à Maupertuis.