Correspondance de Voltaire/1740/Lettre 1351
Je suis honteux de vous devoir trois lettres, mais je le suis bien plus encore d’avoir toujours la fièvre. En vérité, mon cher Voltaire, nous sommes une pauvre espèce : un rien nous dérange et nous abat.
J’ai profité de vos avis touchant M. de Liège[1], et vous verrez que mes droits seront imprimés dans les gazettes. Cependant l’affaire se termine, et je crois que, dans quinze jours, mes troupes pourront évacuer le comté de Horn[2].
Césarion vous aura répondu touchant M. du Châtelet. J’espère que vous serez content de sa réponse.
En vérité, je me repens d’avoir écrit le Machiavel, car les disputes où il vous entraîne avec Van Duren font au monde lettré une espèce de banqueroute de quinze jours de votre vie.
J’attends le Mahomet avec bien de l’impatience.
Voudriez-vous engager le comédien[3], auteur de Mahomet II, et lui enjoindre de lever une troupe en France, et de l’amener à Berlin, le 1er de juin 1741 ? Il faut que la troupe soit bonne et complète pour le tragique et le comique, les premiers rôles doubles.
Je me suis enfin ravisé sur le savant[4] à tant de langues ; vous me ferez plaisir de me l’envover. Bernard parle en adepte ; il ne veut point imprimer des livres, mais il veut faire de l’or.
Si je puis, je ferai marcher la tortue de Bréda[5] ; je ferai même écrire à Vienne, pour Mme du Châtelet, à mon ministre, qui pourra peut-être s’employer utilement pour elle[6]. Saluez de ma part cette rare et aimable personne, et soyez persuadé que tant que Voltaire existera il n’aura pas de meilleur ami que