Correspondance de Voltaire/1742/Lettre 1517

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1742
Correspondance : année 1742GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 141-142).

1517. — À MADAME LA COMTESSE DE MAILLY.
13 juillet[1].

Madame, j’ai appris avec la plus vive douleur qu’il court de moi au roi de Prusse une lettre[2] dont toutes les expressions sont falsifiées. Si je l’avais écrite telle que l’on a la cruauté de la publier, et telle qu’elle est parvenue, dit-on, entre vos mains, je mériterais votre indignation.

Mais si vous saviez, madame, quelle est, depuis six ans, la nature de mon commerce avec le roi de Prusse, ce qu’il m’écrivit avant cette lettre, et dans quelles circonstances j’ai fait ma réponse, vous ne seriez véritablement indignée que de l’injustice que j’essuie, et je serais aussi sûr de votre protection que vous l’êtes d’être aimée et estimée de tout le monde.

Il ne m’appartient pas de vous fatiguer de détails au sujet de cette lettre, que je n’ai jamais montrée à personne, et au sujet de toutes celles du roi de Prusse, dont je n’ai jamais abusé.

Si je pouvais un jour, madame, avoir l’honneur de vous entretenir un quart d’heure, vous verriez en moi un bon citoyen, un homme attaché à son roi et à sa patrie, qui a résisté à tout dans l’espoir de vivre en France ; un homme qui ne connaît que l’amitié, la société, et le repos. Il veut vous devoir ce repos, madame ; la France lui est plus chère, depuis qu’il a eu l’honneur de vous faire un moment sa cour, et ses sentiments méritent votre protection. J’ai l’honneur.

Voltaire.

  1. Louise-Julie, comtesse de Mailly-Nesle, née le 16 mars 1710, est morte à Paris, sa ville natale, le 30 mars 1751. Cette première favorite de Louis XV était la sœur aînée de Mmes  de Vintimille, de Brancas, et de Châteauroux, qui devinrent aussi les maîtresses du même prince. Le règne de la comtesse de Mailly commença vers le milieu de 1739, par l’entremise du duc de Richelieu. (Cl.)
  2. Les copies avaient, à ce qu’il parait, été prises dans les bureaux des postes à Paris ; voyez la lettre 1526.