Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1742

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Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 377).
1742. — À M. DE MONCRIF,
à versailles.
À Champs, le 22 juin.

Je sens, mon très-aimable Zélindor, tout le prix de vos bontés. Quoi ! au milieu de vos succès vous songez à réparer mes fautes ! J’avais déjà prévenu vos attentions charmantes. Je ne présentai point mon Poëme sur les horreurs de la guerre à la vertu pacifique de la sainte duchesse[1], parce que je fus dévalisé par tout ce qui me rencontra chez la reine. Je vous remercie tendrement de faire valoir mes Batailles auprès d’une princesse dont les vertus devraient inspirer la paix à tout l’univers.

Il est vrai qu’on a pensé à donner une fête au héros de Fontenoy. Je ne sais pas encore bien précisément ce que ce sera ; mais je sais très-certainement qu’il la faut dans le genre le plus noble. Je n’ai qu’une ambition, c’est de mêler ma voix à la vôtre, et de faire voir aux ennemis des gens de lettres et des honnêtes gens, par exemple à M. Roi, chevalier de Saint-Michel, et à l’abbé de Bicêtre[2], que les cœurs et les talents se réunissent pour louer notre monarque, sans connaître la jalousie.

Je serais enchanté que votre prologue pût nous convenir ; je tâcherais d’y conformer mon sujet. Mandez-moi, mon aimable génie, quand vous serez à Paris, afin que je puisse en raisonner avec vous.

Conservez-moi votre amitié ; comptez que je vous suis dévoué pour ma vie avec la tendresse que votre caractère m’inspire, et avec l’estime que vos talents aimables doivent arracher au dragon de saint Michel et au gibier de Bicêtre.

  1. La maréchale de Villars.
  2. L’abbé Desfontaines, auteur d’un Avis à M. de Voltaire, sur la sixième édition de sa Bataille de Fontenoy.