Correspondance de Voltaire/1748/Lettre 1908
Je ne peux vous écrire de ma main, mes divins anges ; j’ai la fièvre bien serré à Châlons je ne sais plus quand je pourrai partir.
On s’est bien plus pressé, ce me semble, de lire Catilina que de le faire ; mais faudra-t-il que mon ami Marmontel pâtisse de mon impatience, et qu’on ne reprenne pas son pauvre Denis, dont il a besoin ? Ce serait une extrême injustice, et mes anges ne le souffriront pas. Prault n’est-il pas venu la gueule enfarinée ? N’a-t-il pas bien envie d’imprimer Sémiramis ? Mais ne faut-il pas tenir le bec de Prault dans l’eau, afin de prévenir les éditions subreptices dont on me menace continuellement ?
Joue-t-on Sémiramis les mercredis et les samedis seulement, dans l’effroyable disette de monde où l’on est à Paris ? La laisse-t-on aller jusqu’à Fontainebleau ?
Au reste, vous parlez de Zadig comme si j’y avais part mais pourquoi moi ? Pourquoi me nomme-t-on ? Je ne veux avoir rien à démêler avec les romans.
J’ai bien l’air d’être ici malade quelques jours. Vous veillez sur moi, mes anges, de loin comme de près. Je vais mettre un V au bas de cette lettre ; c’est tout ce que je puis faire, car je n’en peux plus. V.