Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2194
Mon cher ami, j’espère encore être en état de venir vous embrasser mercredi ou jeudi ; mais sur quoi peut-on compter ? Milord Tyrconnell se porte mieux, et moi j’empire. Être absolument seul, sans secours, sans consolation d’aucune espèce, presque sans espérance, à quatre cents lieues de sa famille et de ses amis ; être privé, par la violence de ses maux, de la ressource de la lecture et de l’étude ; se voir mourir pièce à pièce, entre deux toits couverts de neige ! voilà mon état ; profitez de cet exemple. Ménagez-vous jusqu’au temps où vous irez chercher à Paris une guérison sûre. J’ai peur que vos jours et vos nuits ne soient tristes. Je voudrais pouvoir vous consoler ; et, si mes maux me donnent un peu de relâche, je viendrai vous dire, mercredi ou jeudi, quel tendre intérêt je prends aux vôtres. Je vous supplie de bien faire mes compliments à M. le comte Algarotti, et à M. le marquis d’Argens.