Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2204

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Correspondance de Voltaire/1751
Correspondance : année 1751, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 255-256).

2204. — À M. DARGET.
Ce dimanche.

Mon cher ami, voici une lettre pour le roi, que je vous prie de lui remettre. Ma foi, j’ai tort d’avoir voulu avoir publiquement raison contre un misérable, et le roi a plus de bon sens que moi, comme il a plus de talent. Je ne sais pas comment diable il fait pour être si sage en faisant des vers. Il serait plaisant que je mourusse de cela. Je voudrais déjà être au Marquisat, mais ce ne sera que pour le 6 ou le 7, car l’humeur s’est un peu jetée sur la poitrine, et les gencives ne sont pas mieux. Malgré le peu d’approbation qu’a eu la saignée de M. de Rottembourg, j’ai très-grande foi à La Mettrie. Qu’on me montre un élève de Boerhaave qui ait plus d’esprit et qui ait mieux écrit sur son métier. Mais qu’il guérisse vos yeux ; voilà d’abord ce que je lui demande.

J’étais fort en peine de M. d’Hamon et d’un gros paquet pour l’édition qu’on fait à Paris de mes rêveries, édition qui, par parenthèse, ne vaudra pas mieux que les autres, parce qu’elle a été faite sans me consulter et pendant mon absence.

Ce d’Hamon, en arrivant chez moi, a trouvé des Damis, des Éraste, et des Angélique, et des Clarisse, qui l’attendaient à souper. On va le voir par curiosité, comme un homme venant de la part de Frédéric le Grand. Un certain marquis[1] un peu bavard, lui ayant fait une enfilade de questions fort longues, M. de Thibouville, qui n’avait encore rien dit, s’approcha de l’oreille de d’Hamon, et lui dit : « Monsieur, je prends acte que tous les Français ne sont pas si pressants. » Il a été huit jours enfermé chez moi, sans sortir, parce qu’il fallait qu’il ne fît point de visite avant d’avoir été présenté ; et le roi de France est à Versailles tout le moins qu’il peut. M. de Boufflers, colonel des gardes du roi Stanislas, a été tué[2] sans qu’on sache trop comment. Tout le monde en raisonne, et demain personne n’en parlera. Vanité des vanités ! Adieu.

  1. Ximenès.
  2. Le 2 février 1751.