Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2265

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Correspondance de Voltaire/1751
Correspondance : année 1751, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 305-306).

2265. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.

Sire, eh, mon Dieu ! comment faites-vous donc ? J’ai rapetassé cent cinquante vers, depuis huit jours, à Rome sauvée, et Votre Majesté en a peut-être fait quatre ou cinq cents. Je n’en peux plus, et vous êtes frais ; je me démène comme un possédé, et vous êtes tranquille comme un élu ; j’appelle le génie, et il vous vient. Vous travaillez comme vous gouvernez, comme on dit que les dieux font mouvoir le monde, sans effort. J’ai un petit secrétaire gros comme le pouce, qui est malade pour avoir transcrit deux actes de suite. Votre Majesté veut-elle permettre que le diligent, l’infatigable Vigne vous transcrive le reste ? Je demande en grâce à Votre Majesté de lire ma Rome. Votre gloire est intéressée à ne laisser sortir de Potsdam que des ouvrages qui soient dignes du Mars-Apollon qui consacre cette retraite à la postérité. Sire, il faut, sauf respect, que vous et moi, pardon du vous et du moi, nous ne fassions que du bon, ou que nous mourions à la peine. Je n’enverrai Rome à ma virtuose de nièce que quand Mars-Apollon sera content. Je me mets à ses pieds.