Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2267

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Correspondance de Voltaire/1751
Correspondance : année 1751, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 308-309).

2267. — À MADAME LA PRINCESSE ULRIQUE,
reine de suède[1].
Berlin, 25 août 1751.

Reine auguste, reine chérie,
De vos glaçons ne parlez plus.
Dès longtemps je les crois fondus
Par le feu de votre génie.
J’espère encor dans mes vieux ans
Venir des rives de la Sprée
Admirer vos soins bienfaisants
Dans votre ville hyperhorée.
J’y trouverai les dons charmants
Dont Flore en Grèce fut parée ;
C’est vous qui faites le printemps.

Si les dieux jaloux enlevèrent
Descartes à vos régions ;
Qu’il s’en prenne à ses tourbillons :
Entre ses mains ils se gelèrent.
Il ne put jamais arranger
Cette machine aérienne,
Et les destins pour se venger
Détruisirent bientôt la sienne.
Je suis cloué pour le présent
Au tourbillon de votre frère.
Tourbillon de gloire brillant
Et plein d’atomes de lumière.
Le vôtre éclate bien autant.
Ce serait un beau coup à faire
Que d’aller, sans être transi,
D’un coin du ciel de Sans-Souci
Devers votre étoile polaire.
Mon roi n’en sera point jaloux.
Son avis fut toujours le vôtre,
Et quitter Fédéric[2] pour vous
C’est quitter un dieu pour un autre.

Mon cœur est occupé, madame, du désir de faire ma cour à Votre Majesté, de la reconnaissance que je dois aux marques de son souvenir et de ses bontés, et du profond respect avec lequel je suis, madame, de Votre Majesté, le très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

  1. Éditeur, V. Advielle.
  2. Dans ses lettres à Voltaire, le grand Frédéric signe toujours Fédéric. Voltaire le désigne aussi quelquefois avec cette orthographe.