Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2292

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Correspondance de Voltaire/1751
Correspondance : année 1751, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 331-332).

2292. — À MADAME DENIS.
À Potsdam, le 20 septembre.

Voici une douzaine de feuilles du Siècle de Louis XIV ; il est juste que vous en ayez les prémices. Je voudrais bien que M. de Malesherbes eût le temps et la bonté de les lire. Il me semble que, dans cet abrégé, il y a des détails utiles, des traits de citoyen. La plupart des historiens s’appesantissent dans leur cabinet sur des détails de guerre qui ne conviennent qu’aux gens du métier, et qui, étant presque toujours très-infidèles, ne sont bons pour personne. J’ai tâché de faire connaître Louis XIV et la nation. Je conçois bien que Paris est à présent ivre de joie de la naissance d’un duc de Bourgogne[1] ; mais que voulez-vous que j’en dise ? Je ne verrai sûrement pas son règne, et je ne suis occupé que de celui de son trisaïeul. Son berceau sera couvert des odes de nos poëtes. On lui prédira des victoires ; on lui dira qu’il fera les délices du genre humain.


Rejeton de cent rois, espoir fragile et tendre
D’un héros adoré de nous,
Que vous êtes heureux de ne pouvoir entendre
Les mauvais vers qu’on fait pour vous !


Depuis ma dernière lettre, je vais bride en main sur la louange. J’attends impatiemment votre réponse, et je prends patience sur le reste.

  1. Né le 13 septembre 1751, mort le 22 mars 1761, frère aîné de Louis XVI