Correspondance de Voltaire/1752/Lettre 2361

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Correspondance de Voltaire/1752
Correspondance : année 1752, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 402-403).

2361. — À M. G.-C. WALTHER.
À Potsdam, 8 avril 1752.

J’ai ouï dire que Son Altesse royale madame la Princesse royale n’avait pas été contente d’un passage du livre que j’ai pris la liberté de lui envoyer. C’est à la page 484 : On vit bientôt combien il est difficile à un faible prince[1], etc. On sait assez que faible prince ne signifie pas prince faible. Un prince faible est tel par son caractère, et un faible prince l’est par la comparaison de ses forces avec celles de son ennemi.

D’ailleurs, Son Altesse royale est trop juste et trop indulgente pour n’être pas persuadée de la pureté de mes intentions. Elle ne pense pas que j’aie voulu lui déplaire dans un livre que j’ai mis à ses pieds. J’ai la même confiance dans les bontés de Son Excellence M. le comte de Wackerbarth, à qui j’ai présenté un exemplaire par vos mains. Si cependant ce passage déplaît, je vous prie de le corriger au moyen d’un carton. Vous mettriez à la place : Il était bien difficile qu’un prince dont les forces étaient si inférieures à celles de son ennemi, et qu’un empereur qui ne put jamais armer l’empire en sa faveur, pût conquérir des États par le secours de ses alliés souvent désunis.

Je vous prie, mon cher Walther, de communiquer cette lettre à M. le comte de Wackerbarth, et de prendre sur cela ses ordres. J’eus l’honneur d’envoyer mon livre à Son Altesse royale longtemps avant que vous le rendissiez public, afin que, s’il s’était glissé quelque chose qui pût lui déplaire, j’eusse le temps de le corriger ; et je croyais que vous ne mettriez votre livre en vente qu’après la foire de Francfort ; c’est dans le même esprit que j’en envoyai des exemplaires à la cour de Bavière.

En cas que vous fassiez ce carton, mon cher Walther, je vous prie d’en mettre encore un autre au second tome, page 103, à la fin de la page. Voici ce qu’il faut substituer après ce mot parce que[2] : Parce que la base de sa statue à la place des Victoires est ornée de quatre esclaves enchaînés ; mais ce ne fut point lui qui fit ériger cette statue, ni celle qu’on voit à la place de Vendôme ; la statue de la place des Victoires est le monument de la grandeur d’âme, etc.

Je vous demande pardon, mon cher Walther, de la peine que je vous donne ; mais une première édition est un essai. Il échappe toujours à l’auteur beaucoup de fautes. Je me flatte que la seconde édition sera beaucoup plus ample, plus correcte, et meilleure en tout sens. Je vous embrasse de tout mon cœur.


Voltaire.

  1. Cela se trouvait au chapitre xxiii de l’édition de 1751 du Siècle de Louis XIV.
    Une partie seulement forme le chapitre xxiv actuel. Le passage se lit dans l’édition de Dresde, 1753, autrement qu’il était en 1751, mais autrement aussi que Voltaire le donne plus bas. (B.)
  2. Voyez la note, tome XIV, page 494.