Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2571

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Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 47).

2571. — À. M. LE COMTE D’ARGEMAL.
Juin[1].

Ma nièce me mande de Strasbourg que j’ai fait un beau quiproquo ; pardonnez, mon cher ange Vous avez dû être un peu étonné des nouvelles dont vous aurez deviné la moitié en lisant l’autre. Je ne doute pas que ma nièce ne vous ait mis au fait, et ne vous ait renvoyé la lettre qui était pour vous.

Vous verrez ci-joint un petit échantillon des calculs de Maupertuis. Est-ce là sa moindre action ?

Il n’est pas moins surprenant que, pour se faire rendre un livre[2] qu’on a donné, on arrête, à deux cents lieues, un homme mourant qui va aux eaux. Tout cela est singulier. Maupertuis est un plaisant philosophe.

Mon cher ange, il faut savoir souffrir ; l’homme est né en partie pour cela. Je ne crois pas que toute cette belle aventure soit bien publique : il y a des gens qu’elle couvre de honte ; elle n’en fera pas à ma mémoire.

Adieu, mon cher ange ; adieu, tous les anges. La poste presse. Et le pauvre petit abbé[3], où diable fait-il pénitence de sa passion effrénée pour le bien public ? Portez-vous bien,

À Francfort-sur-le-Mein, sous l’enveloppe de M. James de Lacour ; ou, si vous voulez, à moi chétif au Lion-d’Or.

  1. Cette lettre est antérieure au 9 juin, jour de l’arrivée de Mme Denis à Francfort.
  2. l’Œuvre de poésie redemandée par Freytag.
  3. L’abbé de Chauvelin, enfermé au Mont-Saint-Michel en mai 1753. Voyez le chapitre lxvi de l’Histoire du Parlement de Paris.