Correspondance de Voltaire/1754/Lettre 2752

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Correspondance de Voltaire/1754
Correspondance : année 1754GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 228-229).

2752. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Senones, par Raon, le 20 juin.

Vous me laissez faire, mon cher et respectable ami, un long noviciat dans ma Thébaïde. Voici la troisième lettre que je vous écris. Je n’ai de nouvelles ni de vous ni de Mme  Denis. Elle m’a mandé que vous m’avertiriez du temps où je dois venir vous trouver ; mon cœur n’avait pas besoin de ses avertissements pour être à vos ordres. Je ne suis parti que pour venir vous voir, et voici à moitié chemin, sans savoir encore si je dois avancer. Je vous ai supplié de vouloir bien vous informer d’un paquet de lettres qu’on m’a adressé à Plombières, où je devrais être. J’écris[1] au maître de la poste de Remiremont pour en savoir des nousvelles. Ce paquet m’est de la plus grande conséquence. Si vous avez eu la bonté de le retirer, ayez celle de me le renvoyer par la poste, à Senones, avec les ordres positifs de venir vous joindre. Il ne me faut qu’une chambre, un trou auprès de vous, et je suis très-content. Mes gens[2] logeront comme ils pourront. Votre grenier serait pour moi un palais. Je suis comme une fille passionnée qui s’est jetée dans un couvent en attendant que son amant puisse l’enlever. C’est une étrange destinée que je sois si près de vous, et que je n’aie pu encore vous voir. Je vous embrasse avec autant d’empressement que de douleur. Mille tendres respects à Mme  d’Argental.

Voici un autre de mes embarras : je crains que vous ne soyez pas à Plombières. J’ignore tout dans mon tombeau : ressuscitez-moi.

Il faut malheureusement huit jours pour recevoir réponse, et nous ne sommes qu’à quinze lieues.

  1. Cette lettre n’est point imprimée.
  2. Son copiste et un domestique.