Correspondance de Voltaire/1754/Lettre 2772

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Correspondance de Voltaire/1754
Correspondance : année 1754GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 243).

2772. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Colmar[1], le 26 juillet.

Anges, je ne peux me consoler de vous avoir quittés qu’en vous écrivant. Je suis parti de Plombières pour la Chine[2]. Voyez tout ce que vous me faites entreprendre. Ô Grecs ! que de peine pour vous plaire ! Eh bien ! me voilà Chinois, puisque vous l’avez voulu ; mais je ne suis ni mandarin ni jésuite, et je peux très-bien être ridicule. Anges, scellez la bouche de tous ceux qui peuvent être instruits de ce voyage de long cours : car, si l’on me sait embarqué, tous les vents se déchaîneront contre moi. Mon voyage à Colmar était plus nécessaire, et n’est pas si agréable. Il n’y a de plaisir qu’à vous obéir, à faire quelque chose qui pourra vous amuser. J’y vais mettre tous mes soins, et je ne vous écris que ce petit billet, parce que je suis assidu auprès du berceau de l’Orphelin. Il m’appelle, et je vais à lui en faisant la pagode. J’ignore si ce billet vous trouvera à Plombières. Il n’y a que le président[3] qui puisse y faire des vers. Moi, je n’en fais que dans la plus profonde retraite, et quand c’est vous qui m’inspirez. Dieu vous donne la santé, et que le King-Tien me donne de l’enthousiasme et point de ridicule ! Sur ce je baise le bout de vos ailes.

  1. Voltaire, absent de Colmar depuis le 8 juin jusqu’au 22 juillet, ou environ, avait passé quinze jours à Plombières.
  2. Revenu de Plombières, où il avait mis à fin ses Annales de l’Empire, Voltaire s’occupa à Colmar de son Orphelin de la Chine.
  3. Le président Hénault.