Correspondance de Voltaire/1754/Lettre 2799

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Correspondance de Voltaire/1754
Correspondance : année 1754GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 272).
2799. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Octobre.

J’écris au président Hénault, et je le prie d’engager Royer, qu’il protège, à supprimer son détestable opéra, ou du moins à différer. Vous connaissez, mon cher ange, cette Pandore imprimée dans mes œuvres. On en a fait une rapsodie de paroles du Pont-Neuf ; cela est vrai à la lettre. J’avais écrit à Royer une lettre de politesse, ignorant jusqu’à quel point il avait poussé son mauvais procédé et sa bêtise. Il a pris cette lettre pour un consentement ; mais à présent que M. de Moncrif m’a fait lire le manuscrit, je n’ai plus qu’à me plaindre. Je vous conjure de faire savoir au moins par tous vos amis la vérité. Faudra-t-il que je sois défiguré toujours impunément, en prose et en vers, qu’on partage mes dépouilles, qu’on me dissèque de mon vivant ! Cette dernière injustice aggrave tous mes malheurs. Rien n’est pire qu’une infortune ridicule.

Je demande que, si on laisse Royer le maître de m’insulter et de me mutiler, on intitule au moins son Promèthèe : Pièce tirée des fragments de Pandore, à laquelle le musicien a fait faire les changements et les additions qu’il a crus convenables au théâtre lyrique. Il vaudrait mieux lui rendre le service de supprimer entièrement ce détestable ouvrage ; mais comment faire ? je n’en sais rien ; je ne sais que souffrir et vous aimer.