Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2852

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Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 321-322).

2852. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Prangin, pays de Vaud, 19 janvier.

Que j’abuse de vos bontés, mon cher et respectable ami ! mais pardonnez à un solitaire qui n’a que ses livres pour ressource, et qui les perd. Je vous supplie de vouloir bien faire donner cette nouvelle semonce à ce maudit Lambert. Mon ange, tout le monde, hors vous, se moque des malheureux. Encore si j’avais fait le Triumvirat, mais je n’ai qu’un Orphelin, et voilà la boîte de Pandore qui va s’ouvrir. Pendant ce temps-là, nous sommes tout au beau milieu du niomt Jura, per frigora dura secula est[1]. Si jamais vous voulez tâter des eaux de Plombières, envoyez-moi chercher ; ce ne sera peut-être que là que je pourrai avoir encore une fois, avant de mourir, la consolation de vous voir. Au reste, notre mont Jura est mille fois plus beau que Plombières, et ce lac si fameux pour ses truites est admirable ; et puis doit-on compter pour rien d’être en face de Ripaille[2] ? Ma foi, oui.

Mon cher ange, le malade et la courageuse garde-malade vous embrassent de tout leur cœur.

  1. Virgile a dit, ecl. x, v. 23 :

    Perque horrida castra secula est.

  2. Voyez, tome X, une note de l’épître sur le lac de Genève (mars 1755).