Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2954

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Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 411-412).

2954. — À M. THIERIOT.
Genève, le 22 juillet.

Les curieux, mon ancien ami, se sont saisis, à ce que je vois, de votre paquet, et ma toile cirée est perdue. J’apprends que l’ancien manuscrit, tronqué et défiguré, court tout Paris. Qui m’aurait dit qu’au bout de trente ans cette pauvre Mme  du Châtelet me jouerait ce tour[1] ? Pour comble de bénédiction, on dit que je vous envoyais l’ouvrage afin de l’imprimer ; c’est bien assurément tout le contraire. Je ne sais plus comment m’y prendre. Ce n’est pas l’affaire d’un jour de faire copier tout cela. Tous mes scribes sont occupés à l’Orphelin de la Chine. Je tâche de faire ma cour à Sa Majesté tartaro-chinoise ; on dit que c’est un très-bon prince, et dont je serai fort content.

Je voudrais vous écrire de longues lettres, mais un pauvre malade, avec une Histoire gènérale sur les bras et trente ouvriers qui lui rompent la tête, n’est guère en état de parler longtemps à ses amis. C’est aux gens tranquilles, et qui ont un heureux loisir, à assister ceux qui n’en ont pas.

Érivez-moi, et aimez-moi ; je vous embrasse.

  1. Voyez la lettre 2823.