Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 3090

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Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 527-528).

3090. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Monrion, près de Lausanne, ce 26 décembre.

Est-il bien vrai, monseigneur, que je prends la liberté de vous demander vos bontés pour Mme  ou Mlle  Gouet ? Quel intérêt ai-je à cela ? On dit qu’elle est jeune et bien faite ; c’est votre affaire, et non la mienne. Elle veut chanter les Cantiques de Moncrif chez la reine ; elle demande à entrer dans la musique, et il faut que, du pied du mont Jura, je vous importune pour les plaisirs de Versailles ! On s’imagine que vous avez toujours quelque bonté pour moi, et on me croit en droit de vous présenter des requêtes. Mais si Mlle  Gouet est si bien faite, et si elle a une si belle voix, la liberté que je prends est très-inutile ; et si elle n’avait, par malheur, ni voix ni figure, cette liberté serait plus inutile encore. Je devrais donc me borner à vous demander pour moi tout seul la continuation de vos bontés. Je ne suis plus à mes Délices ; je passe mon hiver dans une maison plus chaude, que j’ai auprès de Lausanne, à l’autre bout du lac. Un village a été abîmé, à quelques lieues de nous, par un tremblement de terre, le 9 du mois. En attendant que mon tour vienne, je vous renouvelle mon très-tendre respect. Nous sommes ici deux Suisses, ma nièce et moi, qui regrettons de n’être pas nés en Guienne[1].

  1. Richelieu venait d’obtenir (4 décembre) le gouvernement général de Guienne.