Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3131

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 3-4).

3131. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1]
Aux Délices, près de Genève, 9 mars 1756.

Madame, le tout est bien recevrait un terrible soufflet si les nouvelles qui se débitent touchant une cour de votre voisinage avaient la moindre vraisemblance. Le mal moral serait bien au-dessus du mal physique, et ce serait bien pis qu’un tremblement de terre ; mais il n’est pas possible de croire de pareilles horreurs. Les hommes sont plus prompts à croire le crime qu’à le commettre.

Si la Thuringe a eu sa petite part de la secousse de la terre, ce n’est qu’un léger mouvement, une faible éclaboussure qui est venue d’Afrique dans les États de Votre Altesse sérénissime. Tout le mal vient de messieurs de la Barbarie : c’est à Tétuan, à Méquinez, que les grands coups ont été portés. Les maliométans ont été plus maltraités que les chrétiens.

Le roi de Prusse me fait savoir qu’il fait jouer le 27 de ce mois son opéra de Mérope. Il ne tient qu’à moi d’aller entendre à Berlin de la musique italienne. J’aimerais bien mieux venir entendre Votre Altesse sérénissime à Gotha, jouir des charmes de sa conversation, lui renouveler mes sincères hommages. Que n’ai-je pu vivre à ses pieds ! Me voici de retour dans cette retraite que monseigneur le prince votre fils honora une année de sa présence. Je l’ai embellie, afin qu’elle fût moins indigne un jour de recevoir un des princes, vos enfants, s’ils voyageaient devers nos Alpes.

Mais qu’il me serait plus doux de me mettre encore aux pieds de leur adorable mère ! Gotha est toujours dans mon cœur.

Recevez, madame, les profonds respects d’un homme éternellement dévoue à Votre Altesse sérénissime.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.