Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3169

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 42-43).

3169. — À M.  THIERIOT[1].
Aux Délices, 8 mai.

Votre lettre du 27 avril, mon ancien ami, a croisé la mienne. Je ne sais si Lambert a imprimé les sermons en question, mais j’ai toujours sur les remarques les mêmes scrupules. J’en ai aussi beaucoup sur les deux vers qu’on a substitués. Les chers électeurs est le mot propre. C’est le terme dont se servent toujours les empereurs en leur écrivant ; et on est trop heureux quand le mot propre devient une plaisanterie. Avec ses électeurs est d’une platitude extrême. Le Père Berruyer peut trouver fort bon qu’on le brûle ; mais je vous demande en grâce qu’on ne me mutile point.

Je sais bien que de la grâce ardent à se toucher[2] est une expression un peu hardie ; mais elle est plus supportable que le vers qu’on a mis à la place[3], par la raison que mon vers dit quelque chose, et que l’autre ne dit rien. Je vous prie d’avoir égard à toutes mes requêtes, si vous faites imprimer ma rapsodie.

Je voudrais bien avoir les Pensées du citoyen de Montmartre[4] ; vous êtes à portée de me les envoyer. Je ne sais point encore quand les Cramer mettront en vente leur édition. Je vais passer quelques jours à mon ermitage, au bord du lac. Je vais de retraite en retraite. Vous qui êtes dans le fracas de Paris, au milieu de ce qu’il y a de bon et de mauvais, vous devriez bien me mander ce que vous croyez digne de l’être.

Bonsoir, mon cher ami ; portez-vous mieux que moi ; je serais trop heureux si j’avais de la santé[5].

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Vers 21 de la troisième partie de la Loi naturelle.
  3. « Tandis qu’à ce bourreau loin d’oser l’arracher. »
  4. Pensées philosophiques d’un citoyen de Montmartre, la Haye, 1756. Pamphlet du jésuite Sennemaud contre les philosophes.
  5. Ce dernier alinéa est de la main de Voltaire.