Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3191

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Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 61-62).

3191. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Aux Délices, près de Genève, 26 juin.

Madame, il y a donc des malheurs aussi pour Votre Altesse sérénissime ? et il faut que les vertus les plus nobles et les plus pures éprouvent, comme les autres, le sort de l’humanité ! Votre résignation à la Providence, madame, est bien exercée dans la perte d’un fils aîné ; mais aussi les mêmes vertus qui sont éprouvées dans la douleur de cette perte sont récompensées par les princes qui vous restent. Vous voyez, madame, votre consolation devant vos yeux, en voyant votre perte. Votre Altesse sérénissime doit, pour surcroît d’affliction, être accablée de lettres ; je lui demande pardon d’augmenter le nombre de ceux qui l’affligent en la voulant consoler. Mais comment pourrais-je ne pas écouter mon attachement et ma douleur ? Il est impossible à mon cœur de retenir ses mouvements.

J’ose me joindre ici à la grande maîtresse des cœurs, à tout ce qui vous entoure, madame, pour pleurer à vos pieds et à ceux de monseigneur le duc ; mais aussi je me joins à eux pour voir dans les princes vos enfants (que Dieu conserve !) les plus grandes et les plus chères espérances, comme la meilleure consolation[2].

Quand pourrai-je, madame, venir partager tous ces sentiments, admirer les vôtres, jouir de vos bontés, et renouveler à Votre Altesse sérénissime, à monseigneur, à toute votre auguste maison, tous mes vœux, avec mon tendre et profond respect !

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. La copie que nous avons sous les yeux porte éducation. (A. F.)