Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3231
Mon ancien ami, je vous assure que Tronchin est un grand homme ; il vient encore de ressusciter Mme de Fontaine. Esculape ne ressuscitait les gens qu’une fois ; et ceux qui se sont mêlés de rendre la vie aux morts ne se sont jamais avisés de donner une seconde représentation sur le même sujet. Tronchin en sait plus qu’eux ; je voudrais qu’il pût un peu gouverner Mme de La Popelinière, car je sais qu’elle a besoin de lui, et plus qu’elle ne pense ; mais je ne voudrais pas qu’elle nous enlevât notre Esculape ; je voudrais qu’elle le vînt trouver. Vous seriez du voyage ; comptez que c’est une chose à faire.
Vous devez savoir à présent, vous autres Parisiens, que le Salomon du Nord s’est emparé de Leipsick. Je ne sais si c’est là un chapitre de Machiavel ou de l’Anti-Machiavel, si c’est d’accord avec la cour de Dresde, ou malgré elle ;
· · · · · · · · · · · · · · · ea cura quietum
Non me sollicitat[1] · · · · · · · · · · · · · · ·
Je songe à faire mûrir des muscats et des pêches ; je me promène dans des allées de fleurs de mon invention, et je prends peu d’intérêt aux affaires des Vandales et des Misniens.
Je vous suis très-obligé des rogatons du Pont-Neuf, et des belles pièces suédoises. Il y a un mois que j’avais ce monument suédois de liberté[2] et de fermeté.
Ce n’est pas là une brochure ordinaire. Seriez-vous homme à procurer à ma très-petite bibliothèque quelques livres dont je vous enverrai la note ? Vous seriez bien aimable. Je crois que Lambert se mordra les pouces de m’avoir réimprimé ; dix volumes sont durs à la vente. Dieu le bénisse, et ceux qui liront mes sottises ! Pour moi, je voudrais les oublier, Farewell, my old friend ; I am sick.