Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3233

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1756
Correspondance : année 1756GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 108-109).

3233. — À M. J.-J. ROUSSEAU.
Aux Délices, 12 septembre[1].

Mon cher philosophe, nous pouvons, vous et moi, dans les intervalles de nos maux, raisonner en vers et en prose ; mais, dans le moment présent, vous me pardonnerez de laisser là toutes ces discussions philosophiques[2], qui ne sont que des amusements. Votre lettre est très-belle ; mais j’ai chez moi une de mes nièces qui, depuis trois semaines, est dans un assez grand danger ; je suis garde-malade, et très-malade moi-même. J’attendrai que je me porte mieux, et que ma nièce soit guérie, pour oser penser avec vous. M. Tronchin m’a dit que vous viendriez enfin dans votre patrie. M. d’Alembert vous dira quelle vie philosophique on mène dans ma petite retraite. Elle mériterait le nom qu’elle porte si elle pouvait vous posséder quelquefois. On dit que vous haïssez le séjour des villes ; j’ai cela de commun avec vous. Je voudrais vous ressembler en tant de choses que cette conformité pût vous déterminer à venir nous voir. L’état où je suis ne me permet pas de vous en dire davantage.

Comptez que, de tous ceux qui vous ont lu, personne ne vous estime plus que moi, malgré mes mauvaises plaisanteries[3] ; et que, de tous ceux qui vous verront, personne n’est plus disposé à vous aimer tendrement.

Je commence par supprimer toute cérémonie.

  1. C’est d’après M. Clogenson que je date cette lettre du 12 septembre ; avant lui, elle était datée du 21. (B.)
  2. Voyez la lettre de J.-J. Rousseau, n° 3219.
  3. Lettre 3000.