Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3304

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 167-168).

3304. — À M. D’ALEMBERT.
À Monrion. 4 février.

Je vous envoie Idole, Idolâtre, Idolâtrie, mon cher maître ; vous pourriez, vous ou votre illustre confrère, corriger ce que vous trouverez de mal, de trop, ou de trop peu.

Un prêtre hérétique de mes amis[1] savant et philosophe, vous destine Liturgie. Si vous agréez sa bonne volonté, mandez-le-moi, et il vous servira bien.

Il s’élève, à ce que je vois, bien des partis fanatiques contre la raison ; mais elle triomphera, comme vous le dites, au moins chez les honnêtes gens ; la canaille n’est pas faite pour elle.

Je ne sais quel prêtre de Calvin s’est avisé d’écrire, depuis peu, un livre contre le déisme, c’est-à-dire contre l’adoration pure d’un Être suprême, dégagée de toute superstition. Il avoue franchement que, depuis soixante ans, cette religion a fait plus de progrès que le christianisme n’en fit en deux cents années ; mais il devait aussi avouer que ce progrès ne s’étend pas encore chez le peuple, et chez les excréments de collège. Je pense comme vous, mon cher et grand philosophe, qu’il ne serait pas mal de détruire les calomnies que Garasse-Berthier ose dédier à monseigneur le dauphin contre la partie la plus sage de la nation.

Ce n’est pas aux précepteurs de Jean Châtel, ce n’est pas à des conspirateurs et à des assassins à s’élever contre les plus pacifiques de tous les hommes, contre les seuls qui travaillent au bonheur du genre humain.

Je vous dois des remerciements, mon cher maître, sur l’inattention que vous m’avez fait apercevoir touchant l’expérience de Molyneux et de Bradley[2].

Ils appelaient leur instrument parallactique, et ils nommaient parallaxe de la terre la distance où elle se trouve d’un tropique à l’autre, etc. J’ai transporté, de ma grâce, aux étoiles fixes ce qui appartient à notre coureuse de terre.

Vous me feriez grand plaisir de me mander ce qu’on reprend dans cette Histoire générale. Je voudrais ne point laisser d’erreurs dans un livre qui peut être de quelque utilité, et qui met tout doucement sous les yeux les abominations des Campion, des Oldcorn, des Guignard et consorts, dans l’espace de dix siècles. Je me flatte que vous favorisez cet ouvrage, qui peut faire plus de bien que des controverses. Unissez, tant que vous pourrez, tous les philosophes contre les fanatiques.

  1. Voltaire désignait ainsi Polier de Bottens.
  2. Éléments de la philosopdie de Newton, 2e partie, chap. ier.