Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3336

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 190-191).
3336. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
À Monrion, près de Lausanne, 20 mars.

Je ne sais, mon cher confrère, si je vous ai remercié de votre roman[1], que je n’ai pu encore lire parce que je ne l’ai point reçu ; mais, au lieu de vous remercier, je vous félicite : on ne me parle que de son succès dans toutes les lettres de Paris. Mme Denis ne peut sitôt vous écrire ; elle joue, elle apprend des rôles, elle est entourée de tailleurs, de coiffeuses, et d’acteurs. Il n’y a point de Zulime ; je ne sais ce que c’est, et je veux que ni vous, ni Mlle Clairon, ni moi, ne le sachions ; mais il y a une Fanime un peu différente ; nous l’avons jouée à Lausanne dans notre pays romance ; et tout ce que je souhaite, c’est qu’elle soit aussi bien jouée à Paris : je n’ai jamais vu verser tant de larmes. Nous avons ici environ deux cents personnes qui valent bien le parterre de Paris, qui n’écoutent que leur cœur, qui ont beaucoup d’esprit, qui ignorent les cabales, et qui auraient sifflé le Catilina de Crébillon. Je vous embrasse ; je me meurs d’envie de lire le roman. Mme Denis vous en dira davantage quand elle pourra.

  1. L’École de l’Amitié, 1757, deux volumes in-12.