Correspondance de Voltaire/1757/Lettre 3490

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Correspondance de Voltaire/1757
Correspondance : année 1757GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 330-331).

3490. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[1].
Lausanne, 20 décembre.

Vous savez la nouvelle victoire du roi de Prusse[2] ; les cinquièmes jours du mois lui sont favorables. M.  le maréchal Keith, qui m’écrit du 8 au milieu de ses montagnes, ne me mande point que les Prussiens aient repris Breslau, comme on le dit.

Ce qu’il y a de plus triste, et ce que je ne veux pas croire, c’est qu’une lettre de l’armée de Richelieu parle aussi d’une bataille que nous venons de perdre contre les Hanovriens[3]. Si malheureusement cette nouvelle se confirme, voilà cent mille hommes et deux cents millions de perdus, comme dans la guerre de 1741. Dans ces circonstances malheureuses, vous m’avouerez que les affaires générales seraient plus difficiles à ajuster que des billets de confession. Peut-être le résultat de tant de vicissitudes sera que la cour de France aurait pu donner la paix, il y a quatre mois, et ne pourra pas même la recevoir dans deux.

Dieu veuille que la nouvelle de la prétendue défaite de M.  de Richelieu soit sans fondement, et que les prophéties de madame la margrave soient fausses ! Ses desseins sont plus agréables que ses prophéties. Elle ne respire que la paix. Le chaos serait beau à débrouiller. Il serait bien rare de s’accommoder avec le roi de Prusse sans se brouiller avec l’impératrice, et de rester maître du Hanovre sans avoir à craindre le roi de Prusse. Mais je crois que les d’Ossat[4] et les Richelieu auraient peine à résoudre un pareil problème. Qui en sait plus qu’eux tous le résoudra. Mais il y a sur les bords de notre Rhône, et près de la cathédrale où vous n’allez point, un homme[5] qui peut-être est le seul capable dans l’Europe de voir et de faire ce qui est convenable. J’ose penser que cet homme sage attendra : il sait qu’on n’accommode guère les procès que quand les deux parties n’ont plus d’argent pour plaider.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Celle de Lissa, 5 décembre.
  3. Fausse nouvelle.
  4. Célèbre diplomate, né en 1536, mort en 1604.
  5. Le cardinal de Tencin.