Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3969

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Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 218-219).

3969. — DE M. LE PRÉSIDENT DE BROSSES[1],
à m. girod[2].
capitaine en chatelain royal du pays de gex.
Novembre 1759.

J’ai écrit à M. de Voltaire, sur l’article des bois, une lettre très-polie, mais forte et précise, par laquelle je lui fais voir qu’afin de prévenir les difficultés qui ne manqueraient pas de naître à l’avenir sur l’état primitif des lieux, s’ils étaient une fois dénaturés, il y a nécessité pour lui et pour moi de dresser dès aujourd’hui une reconnaissance en forme de l’état où était la forêt quand elle lui a été remise.

J’ai reçu de lui une lettre qu’il m’écrivait de son propre mouvement et qui a croisé la mienne. Il faut qu’il ait pris l’alarme sur la visite que vous avez été faire : car il s’étend beaucoup sur ce qu’on veut lui susciter des affaires et sur l’excellente culture qu’il ordonne, ayant, dit-il, dans les six premiers mois de sa jouissance, mis plus de 15,000 livres en réparations, tant dans la maison qu’à faire ôter des pierres des terres labourables. Je crois qu’il y aurait beaucoup à décompter sur une si grosse somme, et qu’à peine peut-être y trouverait-on le dixième en utilités réelles.

Au reste il convient que son théâtre ne me sert à rien, et qu’il fait arracher les arbres de la forêt. Ainsi sa lettre ne change rien à une précaution toujours usitée en pareil cas, et nécessaire pour tous deux.

Vous comprenez combien il est essentiel que tout ceci soit fait en règle et qu’on n’y perde point de temps, par les raisons que vous m’avez dites vous-même.

Je désire que ceci se puisse faire d’accord et de bonne grâce avec M. de V. : il faudra lui demander son temps et son jour. Mon intention n’est point du tout de l’inquiéter ; il est fort le maître de faire ce qui lui plaira. Mais comme il va souvent fort vite, il est juste que les choses ne puissent être dégradées sans retour.

Par parenthèse, dites-moi, je vous prie, s’il a payé à Charlot les moules de bois qu’il me donna la commission, lorsque fêlais là-bas, de lui faire fournir par ce pauvre diable, qui certainement ne peut ni ne doit en être le payeur. Au reste, je crois que vous avez fini le compte avec Charlot pour la vente de bois qui lui a été faite de mon temps.

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. Grand-oncle de M. Girod (de l’Ain), pair de France, ancien minisire de l’instruction publique. La charge de châtelain royal avait de l’analogie avec celle de juge de paix. Mais, comme les baillits royaux, le châtelain connaissait en outre de la convocation du ban, des fortifications, de la petite voirie, etc. (Note du premier éditeur.).