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Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4071

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Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 328-329).

4071. — À M. BERTRAND.
Au château de Tournay, 14 mars.

Le planteur de choux et le semeur de grains n’a pas oublié, monsieur, d’envoyer en son temps votre lettre à M. de La Tourrette[1]. Vous me parlez de fossiles et de curiosités naturelles ; si je pouvais trouver quelque chose de rare pour le cabinet de monseigneur l’électeur palatin, vous me feriez grand plaisir de me l’indiquer. Je me souviens d’avoir vu à Berne du sable d’une petite rivière qui donne dans l’Aar ; ce sable, vu au microscope, est un amas de pierres précieuses ; n’y aurait-il point encore quelques autres colifichets pour amuser les curieux. Je fais plus de cas, dans le fond, d’un bon champ de blé et d’une belle prairie ; mon cabinet de physique est ma campagne ; mes curiosités sont des charrues et des semoirs ; mais il faut que les princes aient ce que les autres hommes n’ont pas : de belles coquilles du temps du déluge, de belles pierres qui enfermaient un poisson, lequel n’a jamais existé, des congélations qui ne sont bonnes à rien, quelque animal né avec deux têtes, quelque belle maison de colimaçon. On a raison de rechercher toutes ces drogues, si elles font plaisir.

Je ne crois pas que le Bonneville qui est à Pierre-Encise y soit pour les vers du roi de Prusse ; on le soupçonne de quelque prose ; et, pour le roi de Prusse, on le soupçonne d’être fort mal dans ses affaires.

Cet impudent Grasset


· · · · · · · · · · fruitur diis
Iratis ; · · · · · · · · · ·

(Juven., lib. I, sat. i, v. 49.)


et, malgré la défense de Leurs Excellences, imprime tout ce qu’il veut à Lausanne, sous le nom d’un autre. Ce malheureux m’écrivit, il y a cinq ou six mois, la lettre la plus punissable, signée de son nom, d’une écriture contrefaite et qui n’est pas la sienne. Si jamais je fais un tour à Lausanne, il entendra parler de moi. Adieu, monsieur ; ne m’oubliez pas auprès de M. et de Mme de Freudenreich. Tuus. V.

  1. Claret de La Tourrette, naturaliste, né à Lyon en 1729 ; l’un des membres de l’académie de cette ville, et de la Société économique de Berne. Voltaire était en correspondance avec lui depuis la fin dé 1754. (Cl.)