Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4170

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Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 442-443).

4170. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 2 juillet.

Vous m’avez envoyé, madame, la plus grosse face qui soit à Strasbourg. Oh ! que ce frocart a bien l’air du secrétaire d’un intendant ! Je l’ai reçu de mon mieux. Il m’a paru enchanté de mon pays. En effet, c’est la plus jolie nature du monde, et personne ne se vante d’avoir une plus belle situation que moi. Je voulais cependant la quitter[1] ; mais je suis arrêté par mes bâtiments jusqu’au mois de septembre. J’espère bien alors avoir l’honneur de vous faire ma cour à l’île Jard. Je ne sais pas encore bien positivement si on a repris la ville de Québec. En tout cas, cela n’est bon à reprendre que l’été. Je ne vois pas ce qu’on peut faire de ce vilain pays en hiver. Paris est, l’hiver et l’été, le centre du ridicule. Ramponeau, cabaretier de la Courtille, a occupé la cour et la ville. Les convulsionnaires, qui se crucifient, ont un grand parti, et la Tournelle ne sait pas trop comment les juger. Les jésuites sont poursuivis par les apothicaires pour avoir vendu du vert-de-gris, et sont accusés d’empoisonner les corps, après l’avoir été jadis d’empoisonner les âmes. On s’est mangé le blanc des yeux pour une mauvaise comédie[2]. Portez-vous bien, madame, et vivez pour voir des temps plus heureux et moins sots.

  1. Pour aller voir l’électeur palatin à Schwetzingen.
  2. Celle de Palissot.