Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4290

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1760
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 13).
4290. — À M. THIERIOT.
8 octobre.

Je vous dois bien des réponses, mon ancien ami. Puisque vous logez chez un médecin[1], ce n’est pas merveille que vous soyez malade. Si vous venez aux Délices, vous vous porterez bien, Mme Denis vous fera pleurer dans Tancrède tout autant que Mlle Clairon ; et moi, je vous ferai plus d’impression que Brizard ; je suis un excellent bonhomme de père.

Je vous enverrai incessamment un Pierre le Grand par M. Damilaville.

Je ne peux vous donner la Capilotade[2] que cet hiver ; je n’ai pas un moment à moi.

J’ai dans mon taudis des Délices M. le duc de Villars, un intendant[3], un homme d’un grand mérite[4] qui a fait cent cinquante lieues pour me voir. Nous couchons les uns sur les autres. Il y avait hier quarante-neuf personnes à souper. Nous jouons aujourd’hui Mahomet ; une Palmire[5] jeune, naïve, charmante, voix de sirène, cœur sensible, avec deux yeux qui fondent en larmes ; on n’y tient pas : Gaussin était une statue. Nota bene que j’arrache l’âme au quatrième acte.

Mon église ne se bâtira qu’au printemps. Vous voulez que j’ose consulter M. Soufflot sur cette église de village, et j’ai fait mon château sans consulter personne.

J’ai reçu le Père de famille ; mais je voulais l’édition avec l’épigraphe grecque, et les deux lettres qui firent tant de bruits[6].

Bonsoir, mon cher ami ; la tête me tourne de plaisir et de fatigue.

Dites-moi donc quelles critiques on fait de Tancrède, et vale.

  1. Hyacinthe-Théodore Baron, habile médecin mort à Paris en 1787.
  2. Chant XVIII de la Pucelle ; voyez la lettre à d’Alembert, du 6 janvier 1751.
  3. L’intendant de Bourgogne ; voyez la lettre 4283.
  4. Le marquis d’Argence de Dirac.
  5. Mme Rilliet ; voyez tome XL, paee 561.
  6. Voyez la note, tome XL, page 406.