Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4501
Vous avez trouvé le secret
De philosopher et de rire,
Et de votre charmante lyre
Vous faites un joli sifflet
Pour siffler notre ami Trublet,
Que je révère, et dont j’admire
La profondeur et le caquet.
Badinez, tandis qu’il compile ;
Égayez souvent par vos sons
La pesanteur de son beau style,
Et bafouez dans vos chansons
Son journal[2] et son évangile.
À présent, venons au fait, madame. Vous n’êtes pas riche ; voici ce que j’ai imaginé, et ce que vous refuserez si la proposition offense votre honneur. Un jeune magistrat[3] de Dijon a fait une comédie, et il veut être ignoré à cause des fleurs de lis et de la grave sottise de monsieur son père le président. Voulez-vous, pouvez-vous garder le plus profond secret ? On vous fera tenir la pièce. Vous partagerez les honoraires de la représentation et de l’impression. Je crois que la comédie aura du succès. Elle est en vers, en cinq actes. Vous ferez la préface, et la pièce s’en débitera mieux. Si cette offre vous choque, j’en demande pardon à vos charmes et à votre esprit.
P. S. Souvenez-vous que ce malheureux petit Jean-Jacques, le transfuge, m’écrivit il y a un an : Vous corrompez ma république pour prix de l’asile qu’elle vous a donné.