Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4547
Mon cher et ancien ami, nos ermitages entendent souvent prononcer votre nom. Nous disons plus d’une fois : Que n’est-il ici ! il ferait des vers galants pour la nièce du grand Corneille, nous parlerions ensemble de Cinna, et nous conviendrions qu’Athalie, qui est le chef-d’œuvre de la belle poésie, n’en est pas moins le chef-d’œuvre du fanatisme.
Il me semble que Grégoire VII et Innocent IV ressemblent à Joad comme Ravaillac ressemble à Damiens.
Il me souvient d’un poème intitulé la Pucelle, que, par parenthèse, personne ne connaît. Il y a dans ce poème une petite liste des assassins sacrés, pas si petite pourtant ; elle finit ainsi :
Et Mérobad, assassin d’Itobad,
El Benadad, et la reine Athalie
Si méchamment mise à mort par, Joad[1].
Vous voyez, mon cher ami, que vous vous êtes rencontré avec cet auteur.
Je pardonne donc à tous ceux dont je me suis moqué, et notamment à l’archidiacre Trublet, et même à frère Berthier, à condition que les jésuites, que j’ai dépossédés d’un bien qu’ils avaient usurpé à ma porte, payeront leur contingent de la somme à quoi tous les frères sont condamnés solidairement.
J’ai un beau procès contre un promoteur[2]. Ainsi je finis, mon ancien ami, en vous envoyant une petite réponse faite à la hâte pour votre très-aimable dame[3]. Je la fais courte, pour ne pas enfler le paquet ; c’est la troisième d’aujourd’hui dans ce goût, et le Czar m’appelle. Vale. V.