Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4632

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 389-390).

4632. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
9 auguste.

Ose-t-on parler encore de vers et de prose à Paris, mes divins anges ? Les chaleurs et les malheurs ne font-ils pas un tort horrible au tripot ?

Je travaille le jour à Corneille, et la nuit à Don Phèdre[1].

Nos souscriptions pourraient bien se ralentir. Sans la prise de Pondicbéry, je ferais tout à mes dépens.

Je vous ai envoyé les remarques sur les Horaces. Voici la préface en forme d’épître dédicatoire à l’Académie. Je la mets sous vos ailes, et vous daignerez la recommander à Duclos, quand vous l’aurez lue. Il est bon que tout ait la sanction de quarante personnes ; mais j’aurai plus tôt achevé tout l’ouvrage que l’Académie n’aura lu trente de mes remarques. Un membre va vite, les corps ont peine à se remuer.

Dites-moi net, je vous prie, combien vos amis retiennent d’exemplaires. Tout Corneille commenté en cinq ou six volumes in-4°, c’est marché donné pour deux louis.

Sans le roi et quelques princes, on ne pourrait donner les exemplaires à ce prix.

J’ai un autre placet contre Lambert à vous présenter. Je n’avais pas encore eu le temps de lire son Tancrède ; il s’est plu à me rendre ridicule : jugez-en par cet échantillon[2] … Que faire ? cela est dur ; mais Pondichéry est pis ou pire.

Mes divins anges, que la campagne est belle ! Vous ne connaissez pas ce plaisir-là. Et les yeux ? J’écris, moi ; et vous ?

  1. Voyez tome VII, page 239.
  2. Voltaire donnait sans doute ici le relevé de quelques mauvais textes ou fautes de l’édition de Tancrède faite par Lambert. (B.)