Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4739

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 513-514).

4739. — NOTE POUR M. FYOT DE LA MARCHE[1]
(fils).

Je me souviens très-bien qu’environ le douzième décembre de 1758, M. le président de Brosses ayant vendu sa terre de Tournay à mon oncle, il dîna avec nous aux Délices ; notre provision de bois n’était pas encore faite ; mon oncle nous dit à table : « Remercions M. le président de Brosses de douze moules de bois qu’il nous donne pour le vin du marché ; » M. le président répondit : « C’est une bagatelle qui ne vaut pas un remerciement. »


À Ferney, 8 novembre 1761.

Denis.

Je certifie la même chose ; et tous les domestiques savent que quand on envoya chercher cinq ou six moules de bois dans la forêt de Tournay, on ne s’adressa jamais à Charles Baudy, que nous ne connaissions point.


Wagnière.

(De la main de Voltaire : )

Mme de Fontaine et M. de Florian certifieront la même chose, et cela est public dans tout le pays.

Je demande pourquoi M. le président de Brosses, non content de m’avoir vendu sur sa parole d’honneur pour cent arpents de bois un bouquet de bois tout dévasté, qui ne contient pas en tout quarante arpents ; non content de m’avoir vendu, sur le pied de 3,500 livres de rente, une chétive terre qu’il appelle comté, que je viens d’affermer douze cents livres et trois quarterons de paille, avec bien de la peine ; non content d’avoir fait mettre dans le contrat que ma vaisselle d’argent et mes chemises, qui seraient à Tournay à ma mort, lui appartiendraient ; non content de m’avoir envoyé des exploits pour quelques chênes employés au bâtiment de Tournay ; non content de m’avoir fait assigner, moi et mes vaches, qui mangeaient de l’herbe, dit-il, dans sa prétendue forêt ; non content, dis-je, de tous ces procédés, y ajoute celui de vouloir me faire payer aujourd’hui mon propre bois de chauffage, qui non-seulement m’avait été cédé par lui en présence de douze personnes, mais qui m’appartient indépendamment de cette cession.

Je demande pourquoi il suppose une vente de ces bois à un nommé Charles Baudy, tandis qu’il est connu, prouvé, démontré, que cette vente est simulée, et que Charles Baudy était son commissionnaire.

Je demande pourquoi il me fait, sous le nom de ce Charles Baudy, un procès pour 144 livres, qu’il fait monter à 300 livres, après m’avoir lésé de plus de 25,000 livres.

Il répondra ce qu’il m’a déjà répondu : Àuri sacra fames. Mais moi, je lui répondrai que cette réponse est d’un fétiche, et non pas d’un président.

Je répondrai qu’un président de Toulouse qui vint, il y a quelque temps, aux Délices avec M. le duc de Villars fut effrayé à la vue de l’exploit de M. le président de Brosses ; qu’il trouva la preuve de la vente simulée dans cet exploit même ; je ne répéterai pas ce que ce magistrat dit de fort et d’accablant sur cette affaire. Mais je répéterai qu’il me dit : « Implorez l’équité et l’autorité de monsieur le premier président de Dijon ; il empêchera certainement un homme de sa compagnie de faire éclater une action qui… » Je supprime par respect le nom qu’il donna à cette action.

Et je supplie monsieur le premier président de juger dans le fond de son cœur.

  1. Éditeur, H. Beaune.