Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7265

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 47-48).
7265. — À M. DE CHENEVIÈRES[1].
26 mai.

Il me semble, mon cher ami, qu’on a peu d’attention à la poste pour vos paquets. Non-seulement je vous avais envoyé Quarante ècus pour votre M. de Menand, mais je vous avais envoyé encore Quarante écus pour Mme Denis, avec une lettre. Rien de tout cela n’est arrivé à bon port. Vous voyez qu’il y a des gens qui courent après les sommes les plus modiques. Je ne hasarde point de vous envoyer la Guerre, que vous demandez ; on l’imprime à Paris.

Je sais, mon cher ami, que les gens qui parlent de tout sans rien savoir, gens qui sont en fort grand nombre, ont fait de beaux commentaires sur le voyage de ma nièce ; mais, puisque vous avez eu l’occasion de lui parler de moi, vous savez sans doute qu’il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce qu’on a dit. Elle est allée à Paris pour raccommoder nos affaires, qu’une absence de quinze ans avait beaucoup délabrées ; malgré ce délabrement, je lui donne vingt mille francs de pension, et environ dix tant au reste de ma famille qu’à Mme Dupuits. Un vieillard comme moi a peu de besoins ; il faut qu’il ne vive que pour la retraite et pour la sobriété. Je suis honteux même du beau château que j’occupe. J’espère bientôt le vendre pour Mme Denis, et me retirer dans un ermitage plus convenable à mon âge et à mon humeur. Je vous confie ma situation. Je compte sur votre amitié et sur celle de Mme de Chenevières.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.