Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7311

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 94).
7311. — DE M. HENNIN[1].
Le 15 qui n’est pas plus auguste que le 16.
Août peut être barbare comme pain ; mais il est seul pour signifier un de nos mois, et auguste a déjà, ce me semble, assez d’étendue. Pardon ; c’est peut-être la seule chose en quoi je ne pense pas comme vous.

Il est vrai, monsieur, que Mme de Monthou s’étant adressée à moi dans l’embarras où elle se trouve, j’ai été bien aise de rendre service à cette bonne dame, qui est fort à plaindre. Comme je crains toujours de vous importuner, je ne me suis pas pressé de vous rendre compte de ma conférence avec M. de Foncet, dans laquelle il a été question de votre créance. Votre bon cœur vous a fait hasarder de l’argent sur une terre déjà hypothéquée. Cependant, si l’arrangement projeté a lieu, vous ne perdrez au plus que ce que vous avez bien voulu perdre. Ce n’est pas la peine d’écrire tout le détail du projet. Au premier jour, je vous le ferai de vive voix.

Votre ami le roi de Pologne est un peu malmené par votre amie l’impératrice Catherine, et votre ami le primat m’a l’air de les jouer tous les deux. En attendant, les Russes sont fort affamés de la châsse de saint Stanislas et du trésor de son église. Cracovie va vraisemblablement être au pillage. Ou je me trompe fort, où ce ne sont pas là des affaires bien et honnêtement conduites. Cultivons notre jardin, et ne nous chagrinons ni des sottises, ni même des crimes de ce meilleur des mondes. Je compte bien vous aimer longues années ici-bas, sans compter la suite. Qui est-ce qui digère ? J’ai la goutte, et vous courez comme un basque.

  1. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin, 1825.