Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7528

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 309-310).
7528. — À M. DE CHABANON.
13 avril.

J’apprends que le père d’Eudoxie donne à sa fille un beau trousseau dans une seconde édition : heureusement le libraire de Genève n’a point encore commencé la sienne ; ainsi, mon cher ami, j’attendrai que vous m’ayez envoyé la nouvelle Eudoxie pour la faire mettre dans ce recueil. Plus vous aurez mis de beautés de détail dans votre ouvrage, plus il sera touchant : ce n’est que par ces détails qu’on va au cœur ; ce n’est que par eux que Jean Racine fait verser des larmes. Les situations, les sentences, ne sont presque rien : il y en a partout ; mais les beaux morceaux qu’on retient malgré soi, et qui vont remuer le fond de l’âme, font seuls passer leur homme à la postérité.

Je suis très en peine de votre ami M. de La Borde. Il m’avait écrit, il y a deux mois, pour une affaire importante, et depuis ce temps je n’ai eu aucune nouvelle de lui, quoique je lui aie écrit trois lettres[1] consécutives. Je lui avais envoyé un paquet pour Mme Denis : point de nouvelles de mon paquet. Aurait-il abandonné Pandore, ses affaires, ses amis, pour une femme dans laquelle il est enterré jusqu’au cou ? Il faut sans doute aimer sa maîtresse ; mais il ne faut pas abandonner tout le monde : vous avez pourtant la mine d’en faire autant que lui.

  1. Elles sont perdues.