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Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7650

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7650. À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
31 auguste.

Je remercie le jeune auteur des Guèbres, qui m’a valu une lettre de mon cher marquis. Je suis bien malade, et assez hors d’état de donner des conseils à l’auteur. Je ne puis que lui souhaiter un meilleur siècle, moins d’égarement dans le goût public, moins de ridicule politique dans ceux qui craignent qu’on ne prenne des prêtres d’Apamée pour des archevêques de Paris : cela est d’une impertinence horriblement welche.

Quoi ! l’on jouera le Tartuffe, et l’on ne jouera pas les Guèbres ! L’inconséquence est le fruit naturel du sol de votre pays.

J’ai ouï dire qu’en effet il y a actuellement à Paris une belle et spirituelle Hongroise dont le père était sans doute à la tête de la nation quand l’impératrice présenta son fils, et fit verser des larmes à tout le monde. Le comte de Palfi parla dignement, et pleura de même ; mais il est très-certain que Marie-Thérèse prononça les paroles que j’ai recueillies[1]. Il faut bien se garder de les donner à un autre ; elles sont déchirantes dans la bouche d’une mère. Cela ferait à merveille dans une belle scène de tragédie.

Je prie mon cher marquis de dire à tous les Welches qu’il rencontrera qu’ils sont des monstres s’ils empêchent qu’on ne joue les Guèbres. Je l’embrasse de tout mon cœur[2].



  1. Voyez tome XV, page 198.
  2. Dans quelques éditions, on trouve ici la troisième des Lettres à l’abbé Foucher, que nous avons placée dans les Mélanges. Voyez tome XXVII, page 436.