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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7752

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 530-531).
7752. — À M. TABAREAU.
12 janvier[1].

je suis très-sensiblement touché, monsieur, de tout ce qui vous arrive. Voilà une aventure bien étrange que celle de ce dévot caissier[2] qui vous emporte votre argent ! On dit qu’il portait un cilice, ou du moins qu’il le faisait porter par son laquais. Je suis bien sûr que, si vous en aviez été informé, vous ne lui auriez pas confié un sou ; mais enfin il faudra bien que l’argent se retrouve, puisqu’on a sa personne. Je vous prie d’avoir la bonté de m’instruire de votre bonne ou mauvaise fortune dans cette singulière affaire.

Est-il bien vrai qu’il y a cinq banqueroutiers qui se sont tués dans Paris ! comment peut-on avoir la lâcheté de voler, et le courage de se donner la mort ? Voilà de plaisants Catons d’Utique que ces droles-là !

La banqueroute est-elle aussi considérable qu’on le dit ? M. Janel exerce-t-il toujours son emploi ? Voilà bien des questions que je vous fais. J’y ajouterai encore une importunité sur le roi de Portugal. On m’avait mandé que son aventure n’était qu’une galanterie, qu’un cocu lui avait donné quelques coups de bâton, et que cela n’était rien.

En voilà trop pour un homme accablé d’affaires, comme vous l’êtes. Ne me répondez point.

Mais vous, monsieur Vasselier, si vous avez un moment à vous, répondez-moi sur toutes mes demandes.

Votre bibliothécaire ne pourra augmenter votre cabinet de livres qu’au printemps ; en attendant, conservez-moi tous deux une amitié qui fait ma consolation dans ma très-infirme vieillesse.

  1. Cette lettre a toujours été classée mal à propos à l’année 1769. Elle est de 1770. (G.)
  2. Billard, caissier général des postes, qui fit une banqueroute frauduleuse. Voyez la note, tome VIII, page 536.