Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7764

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 542-543).
7764. — À M. LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[1].
26 janvier 1770, à Ferney.

Sæpe premente deo, fert deus alter opem.


Votre lettre, mon cher président, a servi d’antidote à celle que j’ai reçue du président de Brosses. Il persécute[2] toujours ma pauvre vieillesse, malgré tous les pardons que je lui demande de n’être pas encore mort. Il me menace même d’un petit procès dans l’autre monde. Mais comme il ne sera pas président en ce pays-là, j’espère bien lui montrer les dents, s’il m’en reste.

On m’a envoyé un petit livret d’un de vos académiciens sur les moulins économiques[3], qui m’a paru très-bien fait, et j’espère que le nouveau contrôleur général[4] fera venir bientôt l’eau au moulin.

J’ai reçu aussi une Introduction à l’histoire de Bourgogne, par M. Mille[5]. L’auteur me paraît très-instruit ; j’espère beaucoup de son ouvrage, et je m’y intéresse d’autant plus que vous m’avez fait Bourguignon.

Est-ce que M. le président de La Marche n’a point d’enfant mâle, puisqu’il renonce à la terre de la Marche, qui est la terre de son nom ?

Quoi qu’il en soit, je me tiendrai toujours très-bien entre les mains de M. de Neuilly[6] ou de monsieur son neveu. Cette famille est celle de l’honneur et de la probité. On n’en peut pas dire autant de tout le monde, mais bien de vous, mon cher président, qui avez donné tant de preuves de votre générosité.

On ne peut vous être attaché plus tendrement que je le suis, et avec des sentiments plus vrais et plus respectueux. V.

  1. Éditeur Th. Foisset.
  2. cette persécution consistait à informer Voltaire qu’on avait instruit le président de nouveaux abus de jouissance dans le bois de Tournay. (Th. F.)
  3. Mémoire sur les avantages de la mouture économique et du commerce des farines en détail, par Béguillet. — Dijon. 1769, in-8°.
  4. L’abbé Terray, nommé le 23 décembre 1769.
  5. L’abrégé chronologique de l’Histoire ecclésiastique, civile et littéraire de Bourgogne, par Mille, parut en 1772 et 1773, trois volumes in-8°. Il s’arrête à l’époque carolingienne. On ignore pourquoi la suite n’a point paru. — Antoine-Étienne Mille, écuyer, né a Dijon le 1er décembre 1735, mort à Parid le 31 janvier 1787, était avocat au parlement et au grand conseil. Son ouvrage, fort hostile aux moines, fut vivement attaqué par le continuateur de dom Plancher (dom Merle, bénédictin bourguignon) et par dom Rousseau et dom Jourdain, bénédictins de Saint-Germain des Prés. Voltaire l’en félicita par sa lettre du 13 septembre 1771.
  6. Frère de l’ancien premier président de La Marche, ancien ambassadeur à Gênes, puis premier président démissionnaire du parlement de Besançon, mort en 1774. Parmi les lettres du président de Brosses sur l’Italie, un grand nombre lui sont adressées.